Andréa MESTRE, Activiste ivoirienne séropositive : « Il faut que l’Etat priorise la lutte contre la Sérophobie »

Andréa MESTRE, Activiste ivoirienne séropositive : « Il faut que l’Etat priorise la lutte contre la Sérophobie »

Mariée et mère de trois enfants (filles), cette jeune femme de 30 ans, de nationalité ivoirienne lutte depuis quelques années à opérer un changement de mentalités sur les personnes atteintes du VIH SIDA, qui sont beaucoup stigmatisées dès qu’elles ont le résultat de leur statut sérologique.

Dans sa casquette d’activiste sur les réseaux sociaux (Facebook, Tweeter, Instagram, YouTube, etc), Mme MESTRE essaie tant bien que mal, à expliquer que vivre avec le VIH SIDA n’est pas une fatalité.

Dans cette interview accordée à notre site www.afriqueeconomie.net, Andréa MESTRE, décide à visage découvert de parler de sa vie de séropositive, mariée et mère de trois petites filles. Elle n’hésite pas à décrier toutes les difficultés auxquelles sont confrontées ces personnes atteintes du VIH SIDA en Côte d’Ivoire et propose des solutions pour les aider à vivre de façon calme et heureuse leur vie sur terre.

 A.E : Présentez-vous à nos lecteurs

Je suis Andrea MESTRE, ivoirienne et je vis avec ma famille depuis 2010 à l’Isle d’Abeau, près de Lyon en France.

A.E : En tant qu’activiste qui lutte pour les personnes qui vivent avec le VIH SIDA, pourquoi avoir voulu déclarer publiquement votre statut ?

 J’ai décidé de prendre la parole afin de sensibiliser un maximum de personnes sur le VIH SIDA et déconstruire tous les préjugés liés à cette maladie. Il n’y avait pas assez de visage pour représenter le VIH aujourd’hui et surtout des visages de Femmes, Jeunes et mères.

A.E : Quelles sont les difficultés que vous rencontrez jusqu’à ce jour ?

 Je constate que le VIH SIDA est toujours aussi tabou surtout en Afrique. La volonté politique d’y mettre un terme et surtout de lutter contre les stigmatisations et les discriminations n’est pas suffisante. En Côte d’Ivoire, on ne parle pas assez du VIH, les jeunes ne sont pas réellement sensibilisés. Lorsque le 1er décembre, Journée Mondiale du SIDA approche, très peu de médias, de personnalités politiques et publiques en parlent.

A.E : Quels sont les Projets à court et moyen termes dans votre Programme pour l’année 2022 ?

Je suis actuellement en train de monter un Projet afin de lutter activement contre la Sérophobie (peur et rejet des personnes séropositives). Il y’a un gros Projet qui se prépare avec le Fonds National de la Lutte contre le SIDA en Côte d’Ivoire. J’ai pour ambition de prendre la parole dans un maximum de médias afin de sensibiliser un public plus large et surtout de mettre l’accent sur le VIH mère /enfant.

A.E : Quelle est votre analyse des avancées de la lutte contre le VIH SIDA sur le continent africain ?

Il y’a une grosse avancée dans la lutte contre le VIH SIDA en Afrique ; aujourd’hui dans la majorité des pays, les traitements antirétroviraux sont disponibles et gratuits. Cependant, la stigmatisation est un poison dans la lutte contre la fin du virus en Afrique. Tant qu’il y aura la peur de se faire dépister, le rejet des personnes séropositives, le manque de discrétion dans les centres de santé, les discriminations au travail et même dans les hôpitaux, le VIH SIDA sera toujours présent.

A.E : Que souhaitez-vous que nos Dirigeants africains fassent pour une meilleure prise en charge des personnes vivants avec le VIH SIDA ?

 Je souhaite que les Dirigeants parlent ouvertement du VIH SIDA lors de leurs apparitions télévisées ; qu’ils augmentent le budget dédié à la lutte car nous sommes trop dépendant des bailleurs étrangers (Fonds mondial, PEPFAR, etc). Avant en Côte d’Ivoire, il y’avait un Ministère ivoirien dédié à la Lutte contre le Sida et malheureusement il n’existe plus ; l’Etat devrait songer à le recréer afin de faire la lutte contre le VIH SIDA une priorité sanitaire.

A.E : En tant que femme mariée, avec des enfants, comment vous prenez vous, avec un époux négatif ?

Le VIH SIDA n’a pas d’impact sur ma vie de couple car je suis indétectable, ce qui signifie que je ne peux pas transmettre virus à mon époux. Nous vivons comme n’importe quel couple, sans crainte ni peur pour l’avenir.

A.E : La Côte d’Ivoire est-elle impliquée afin de lutter contre le SIDA ? Si oui, qu’est-ce que vous en pensez de sa politique dans ce domaine ?

Oui, la Côte d’Ivoire est impliquée mais pas assez ; les traitements sont disponibles et gratuits, une Loi a été créé pour protéger les personnes séropositives mais malheureusement celle-ci n’est pas assez connue. La discrimination et la stigmatisation est trop présente dans notre pays ; le personnel médical n’est pas assez formé sur la discrétion et la prise en charge psychologique du patient. Trouvez-vous normal qu’une personne par peur de voir son statut sérologique divulguer soit obligée de parcourir des kilomètres pour se faire suivre et prendre son traitement ? Trouvez-vous normal qu’il y ait moins de la moitié des enfants séropositifs sous traitement alors que celui-ci est disponible et gratuit ? Trouvez-vous normal qu’aujourd’hui des mamans séropositives transmettent le virus à leurs bébés par la peur, le manque de confiance en les traitements, le déni ? Il faut que l’Etat priorise la lutte contre la Sérophobie.

A.E : Avez-vous une idée si la prise ne charge des personnes vivantes avec le VIH SIDA est-elle respectée (ARV, Consultations, Examens, etc) ?

La prise en charge est globalement respectée mais le problème se sont les patients qui ont dû mal à suivre correctement leurs traitements et rdv médicaux.

A.E : A quoi sont confrontées les personnes atteintes du VIH SIDA ?

Les personnes séropositives sont confrontées au rejet de leurs familles et entourages ; elles peuvent perdre leurs boulots si jamais leur statut vient à être dévoilé. Elles vivent dans une peur permanente, portent un lourd secret. Elles n’ont pas toutes la chance de fonder une famille ; elles n’ont pas droit à certains prêts bancaires ni à la souscription de l’assurance vie ; l’accès à certains pays leur est interdit ; elles ont perdu espoir !

A.E : Votre mot de fin à nos lecteurs

Mon mot de fin c’est qu’on doit donner un visage au VIH SIDA en Afrique et surtout sensibiliser la jeunesse sur ce virus qui les touchent particulièrement, surtout nos jeunes filles. Je veux dire à tous et à toutes qu’il faut avoir peur du VIH SIDA et non des personnes séropositives. Merci infiniment à votre site d’information qui nous permet de nous prononcer sur ce sujet qui reste à cette époque, encore tabou, mais je pense et crois que nous y arriverons.

 

 

Interview réalisée par Nadège Koffi

Commentaires

Commentaires

HTML Snippets Powered By : XYZScripts.com