Pierre DECLERCK, DG de Brussels Airlines Côte d’Ivoire « Nous avons eu une perte de 70% au niveau de la Côte d’Ivoire, créée par une absence de vols durant cette crise sanitaire mondiale »

Pierre DECLERCK, DG de Brussels Airlines Côte d’Ivoire « Nous avons eu une perte de 70% au niveau de la Côte d’Ivoire, créée par une absence de vols durant cette crise sanitaire mondiale »

A la tête de la Direction Générale de la Compagnie aérienne Brussels Airlines depuis 2018, cette compagnie aérienne belge installée il y a plusieurs années en Côte d’Ivoire, qui détient un chiffre d’affaires de 6.560.283.133 FCFA. Depuis le déclenchement de la crise sanitaire mondiale en novembre 2019, plusieurs pays et secteurs d’activités continuent de subir des conséquences qui impactent leurs activités.

Dans notre interview accordée au DG de la Compagnie aérienne Brussels Airlines, M. DECLERCK nous explique comment subit son entreprise face à cette crise sanitaire mondiale et les stratégies déployées afin de surtout rentabiliser et se repositionner dans son domaine d’activité.

 

A.E : Depuis quand êtes-vous à la tête de la Direction Générale de la Compagnie aérienne ?

Je suis en Côte d’Ivoire depuis juillet 2018. Avant cela j’étais le Responsable des pays comme l’Angola, le Kenya, l’Ouganda. On se préparait pour un nouvel organigramme pour l’Afrique parce ce qu’en janvier 2019, nous avons créé une structure pour l’Afrique, avec six bureaux régionaux ; donc la Côte d’Ivoire (Abidjan), l’agence Brussels Airlines est également un bureau régional qui couvre le Ghana, le Bénin, le Togo et le Burkina Faso. Notre région voisine est gérée par Dakar (Sénégal), qui a aussi cinq pays. L’autre pays voisin est le Nigeria. On est la sous-région et on rapporte en direct à Bruxelles. Tout ce qui est affaire commerciale, c’est-à-dire Marketing et Vente pour l’Afrique, le Management est à Bruxelles, au siège. Mais également les vols de notre société mère Lufthansa (leader mondial de l’aviation), tout ce qui est vols notamment l’Afrique du Sud, toute décision est prise à Bruxelles.

 

A.E : Pouvez-vous nous faire un bilan récapitulatif des flux aériens de Brussels Airlines, depuis 2019 jusqu’à l’année 2020 au niveau de la Côte d’Ivoire ?

Pour nous, le marché premier c’est la Belgique. C’est notre Hub et la Belgique est également la capitale de l’Union Européenne (UE), le premier partenaire économique de la Côte d’Ivoire ; donc nous sommes transporteur belge et notre premier marché c’est la Belgique, avec tout ce qui comprend les liens diplomatiques, économiques, etc. Second marché, c’est l’Afrique, la France (Paris), donc on a des vols quotidiens et on a des correspondances quotidiennes avec Paris sur De Gaulle et au départ de Bruxelles, les voyageurs peuvent également prendre le TGV. Et qui dit France bien évidemment dit les autres grandes villes telles que Lyon, Toulouse, Marseille, Nice ; donc toute cette offre, on l’a met en évidence aussi en Côte d’Ivoire, par les agence de voyage et par une agence à nous ; donc les gens peuvent passer au sein de notre agence mais également des agences de voyage sous la place (IATA, Non-IATA). Autre marché, c’est toute l’Europe (Italie, Espagne, etc). Un autre marché également qui était vraiment notre Projet (avant la crise sanitaire mondiale) était les vols Bruxelles-Montréal.

Je peux vous dire que nous avons eu une perte de 70% au niveau de la Côte d’Ivoire, créée par une absence de vols durant cette crise sanitaire mondiale. Entre le 19 mars 2020 où nous avons arrêtés et on a pu repris entre le 12 et 13 juillet 2020, donc la perte est énorme en matière de flux aériens ; on fait avec mais ce que je voulais dire c’est que Montréal était vraiment dans le collimateur pour l’ouverture en mars 2019 où nous allions lancer notre vol pour cette destination. C’est vraiment dommage ce que cette crise sanitaire a pu créer comme frein à nos Projets. Mais, nous voyageons avec Air Canada, mais notre propre vol était dans le planning juste avant la COVID-19 et puis d’autres escales très importantes, telles que Tel-Aviv (Israël). Là nous sommes tombés à zéro. On était le leader dans les pèlerinages chrétiens, avec des milliers de tickets par année et voilà que tout a cessé ; plus de visas, le pays est fermé.

 

A.E : Comment avez-vous ressenti au niveau de votre Compagnie, cette crise sanitaire mondiale ?

D’abord il y a eu toute une période où il n’y avait pas de vols. Là on est vraiment touché en plein cœur ; notre activité principale c’est de faciliter les échanges, faire voyager la diaspora, créer des échanges et des opportunités économiques, etc. C’est une tristesse profonde de savoir qu’on ne peut pas voler ; c’est comme un hôtel qui ne peut pas ouvrir, comme un restaurant qui doit rester fermé, etc. Après cela elle a été remplacée par la joie temporisée parce ce qu’on rouvre mais pas avec les mêmes nombres de vols, puisqu’on faisait des vols au quotidien avant la crise sanitaire et on est passé à trois vols par semaine en juillet 2020, puis six vols par semaine au mois d’août 2020 et puis en septembre 2020, on est reparti au quotidien. Là c’est la joie, mais elle n’est pure parce ce que les voyageurs ne peuvent plus accéder aux visas, il n’y a plus de Schengen, donc on ne peut pas faire les échanges ; les ivoiriens ne partent plus en formation courte durée ; les parents ne peuvent plus aller voir leurs enfants qui étudient en Europe ; c’est dommage, mais cela est compréhensible. Nous essayons de faire au mieux, assez vite on a eu la joie de voir que les étudiants ivoiriens pouvaient repartir (c’étaient les premiers qui avaient le visa Schengen avec Campus France) depuis septembre 2020, donc nous nous sommes mis sur cet axe et on a cherché des Partenaires pour faciliter notre approche. On revoit nos approches marketing ; on les connaissait bien sûres, mais là on fait des conventions très précises chaque jour afin de pouvoir rentabiliser et nous repositionner dans notre domaine d’activité. On espère que cela reviendra bientôt car nous étions leader dans les Groupes (pèlerinages chrétiens).

 

A.E : Quelles ont été et quelles sont les mesures prises afin de pouvoir tenir et surtout rentabiliser face à cette crise sanitaire ?

Les mesures prises ont été entre autres la réduction de vols, avec la bonne compréhension de la clientèle ; une bonne Communication envers la clientèle, etc. Nos réseaux se sont des réseaux fermés (Chambre de Commerce Belges, réseaux WhatsApp, etc). Nous réduisons les fréquences pour concentrer nos recettes et pour rendre les vols rentables, parce ce qu’au quotidien on ne pouvait plus voyager au quotidien. Mais nous souhaitons revenir au quotidien à partir de la saison de pointe qui est la période des fêtes de fin d’années. On voudrait avoir plus d’activités pour voir des Groupes se concrétiser ; il y a des gens qui veulent aller en tourisme, nous sommes prêts, on n’ose, on se repositionne, mais est ce que les conditions sont garanties pour aller à la normale encore, vu que nous sommes en crise sanitaire mondiale. Il faudrait suivre une bonne stratégie en espérant qu’il y aura des ouvertures autres que des étudiants entre autres, les regroupements familiaux.

 

A.E : Pouvez-vous nous citer vos concurrents potentiels au niveau de la Côte d’Ivoire ?

En général bien évidemment comme notre point d’attention est l’Europe, je dirai que toutes les compagnies qui vont à destination de l’Europe ; que cela soit en direct ou via (escales possibles en Afrique pour arriver en Europe). On les a tous à l’œil et je crois que c’est une bonne chose pour le public d’avoir de la concurrence. Par contre, comme nous avons réduits nos fréquences, nous on veut être prudents avec l’argent du contribuable ; parce ce qu’en ce moment les compagnies aériennes survivent, les hôtels en Côte d’Ivoire survivent ; il faudrait que tous les acteurs fassent des efforts et on s’en sortira tous ensemble. Pas de perte, si il y a profit tant mieux ; mais on veut faire voler les avions, on veut faire voler nos équipages on tient compte que les gens veulent voyager mais ne pourront pas autant qu’ils le souhaitent ; mais pour voler, il faut que toutes les compagnies aériennes revoient leurs Programmes et on s’en sortira ; avec les autorités nous espérons un retour à la normale.

 

A.E : Quels sont vos Partenaires au niveau de la Côte d’Ivoire ?

Nous avons des Partenaires IATA (toutes les agences de voyages sur le territoire ivoirien qui sont au nombre de 80) et des Partenaires non-IATA (des particuliers dont on fait le choix s’ils rentrent dans notre créneau).

A.E : Combien d’employés avez-vous au sein de Brussels Airlines Côte d’Ivoire ?

Ici nous sommes 15 employés dont presque la moitié à l’Aéroport Félix Houphouët Boigny (FHB). Avec Brussels Airlines, on devrait aussi compter notre département Cargot, c’est une société Lufthansa ; et là-bas ils ont trois employés.

 

A.E : Au cours de cette crise sanitaire, est ce qu’il y a eu des licenciements ou chômages techniques au sein de Brussels Airlines Côte d’Ivoire ?

Bien sûre qu’il a eu un chômage technique au sein de notre agence, au niveau commercial ; mais pas à l’aéroport, car à ce niveau on est passé à six vols, sept vols assez vite ; mais dans le commercial on est moins présents parce ce qu’il y a moins de passagers qui viennent prendre nos services en journée. On a fait une structure d’absence structurelle. Au niveau du Groupe également il y a eu un chômage des employés de 25%, c’est environ 1.000 personnes ; au siège en Belgique, ce sont 3.000 personnes qui ont été au chômage technique. Un Programme de restructuration a été fait « Reboot », mais de manière très correcte on s’en est sorti. Une énorme ouverture et transparence de la Direction, avec le syndicat (un suivi tous les 10 jours en call).

 

A.E : Quelle est votre politique RSE ?

Elle se situe au niveau du siège à Bruxelles ; parce qu’il y a un énorme travail fait d’abord pour le volet humanitaire et même au sein de tous les employés, nous avons une Fondation B. Foundation. Et dans le cadre de B. Foundation, le staff entier peut créer des activités et nous avons une qui est très grande ; tous les deux ans la B. Foundation organise des activités (faire du vélo et choisisse un pays et une grande partie de nos équipes au siège rassemble des Fonds allant jusqu’à 150.000 euros pour un Projet bien définit). Elle aide aussi plus d’une vingtaine d’ONG qui font appel à la Fondation B. Foundation. Nous avons également pour l’environnement, des actions constantes qui sont pensées par des Ingénieurs à l’intérieur de Brussels Airlines ; ce sont des Programmes assez spécifiques qui sont gérés par nos Ingénieurs (comment mieux gérer nos approches dans les aéroports, des astuces qui nous font à la fin de journée de faire des économies gigantesques). Et puis chaque pays a une liberté de gérer une partie de son budget marketing, pour un Projet que nous voulons supporter localement. L’année dernière (2019), nous avons fait des dons à un orphelinat à hauteur de 1000 euros dans une commune de la capitale économique, ainsi que des jouets, vêtements et chaussures offerts par l’équipage de Brussels Airlines.

 

A.E : Quelle est votre analyse sur la politique fiscale exécutée au niveau de la Côte d’Ivoire, pour les Entreprises étrangères installées?

Il faut savoir que les Compagnies aériennes opèrent sur base d’un accord bilatéral entre les deux pays (Côte d’Ivoire-Belgique) ; donc la Belgique signe un accord avec la Côte d’Ivoire, vis-versa ; et dans ces accords, il y a des régimes fiscaux spécifiques. Nous nos taxes ici, nous sommes contribuables aux taxes, mais se sont surtout les salaires, etc. Mais pas sur les recettes, basées sur l’accord bilatéral. Le Ministère ivoirien du Transport gère ce volet en ce qui concerne cette politique fiscale pour les Compagnies étrangères dans le domaine du Transport installées en Côte d’Ivoire.

 

A.E : Quelles sont les actions à court et moyen termes de Brussels Airlines ?

A court terme, ayant réduit de sept vols par semaine à trois vols par semaine, nous continuons de travailler au niveau commercial jusqu’à présent. On nous prépare pour la période de pointe (les fêtes de fin d’années prochaines). Nous envoyons les nouveaux horaires à la clientèle, aux agences de voyage ; on espère vraiment qu’il y aurait des activités Schengen bien évidemment plus que maintenant. En ce moment notre action principale est sur le Canada ; puisque les étudiants ivoiriens qui peuvent partir avec le visa Schengen, vu qu’au niveau du Canada, les Universités sont en train d’ouvrir maintenant afin d’une probable rentrée universitaire dès janvier 2021. C’est vraiment important pour nos actions commerciales à ce niveau. Au niveau de la diaspora également, nous avons des actions, car c’est elle qui voyage. Qu’est-ce qu’on peut leur proposer ? , améliorer leur expérience de voyages, leur donner plus d’informations sur les nouvelles mesures prises pour voyager durant cette crise sanitaire (vérification des conditions d’entrée en vigueur de leur destination ; enregistrement en ligne afin de limiter les contacts physiques ; respecter strictement les règles relatives aux bagages ; port obligatoire du masque de protection ; mesures d’hygiène renforcées à bord des vols ; présence de filtres à air HEPA dans tous les avions Brussels Airlines ; services à bord adaptés, etc).

A moyen terme, on reprend nos activités de vente, de Groupe ; les gens veulent voyager ; faire des activités commerciales très poussées ; on cherche les événements comme les Salons professionnels qui ont lieu en Europe, avec un volet plus présentiel et non de façon virtuelle comme c’est le cas depuis cette crise sanitaire mondiale. Il faudrait surtout que la crise sanitaire soit contrôlée afin  que cela soit possible. A chaque opportunité, nous creusons afin de pouvoir obtenir des marchés et nous espérons que cela va aboutir.

 

A.E : Que proposez-vous que le Gouvernement ivoirien fasse pour les Entreprises dans le Secteur privé installées sur le territoire nationale ?

J’aime bien cette question car elle nous ramène en début de crise sanitaire mondiale. Il y a eu la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI), l’Union Africaine (UA), la Banque Africaine de Développement (BAD), etc ; des millions qui ont été octroyés (prêts) afin de soutenir les Gouvernements face à cette pandémie. Et j’ai eu à assister à des séances de rencontre dans notre Secteur, avec le Gouvernement ivoirien où il nous a été demandé de remplir un tableau afin de connaître nos besoins, nos réalités, ce que nous avons perdu, etc ; mais je peux vous assurer qu’il n’y a eu aucun suivi. A mon niveau (Brussels Airlines), ça va encore vu que je suis une Compagnie Belge, géré depuis la Belgique (le Gouvernement belge a octroyé à notre compagnie aérienne une aide de 300.000 millions d’euros, comme prêt); mais nous avons des frères locaux dans notre Secteur (Tourisme, Hôtellerie, Restaurants, etc) qui ont eu à participer à cette rencontre avec le Gouvernement ivoirien. En début de crise sanitaire, au niveau de la Côte d’Ivoire, on a vu que beaucoup de choses qui se mettaient en place ; mais je ne sais pas si cela à aboutir ; je pense que c’est le Secteur qui doit en parler ; les sociétés locales qui en diront plus. Mais je pense qu’il devrait avoir plus de transparence et parler chiffres tout simplement. Déjà peut-être on en parle beaucoup, mais en tout cas pas via le réseau que j’utilise ; mais je crois que le but était là de faire survivre le réseau (quand tout était fermé). C’est vraiment sur nos propres forces.

 

A.E : Votre mot de fin à nos lecteurs

Le mot de fin d’abord je suis très reconnaissant à mon équipe, pour cette solidarité, leur flexibilité ; et envers ma clientèle pour leur flexibilité, leur compréhension. Mais le vrai mot c’est de dire espérons que tous ensemble on arrive à maîtriser cette pandémie en Europe ; en Afrique on a fait un grand et bon travail. Que cette pandémie soit contrôlée à travers la discipline, l’autodiscipline des communautés et puis on arrivera à retrouver le plaisir des échanges ; et nous on est là pour les échanges. Notre espoir est de retrouver la joie de voir les échanges commerciaux se faire comme par le passé. Merci également à votre site www.afriqueeconomie.net qui nous a donné l’opportunité de nous exprimer sur les conséquences que cette pandémie a eu comme effet sur notre Secteur d’activité et aussi les actions engagées et envisagées afin de pouvoir tenir face à cette crise sanitaire mondiale.

 

Interview réalisée par Nadège Koffi

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