Maria Dion-GOKAN, Caféologue et Fondatrice de la marque Rituel Café : « Le café accompagne le repas à la fin ; mais le café peut accompagner la cuisine, pendant, en étant un ingrédient principal dans le repas »

Maria Dion-GOKAN, Caféologue et Fondatrice de la marque Rituel Café : « Le café accompagne le repas à la fin ; mais le café peut accompagner la cuisine, pendant, en étant un ingrédient principal dans le repas »

Caféologue, Chocolatière, Tree to Bar, propriétaire de la plantation Lagoyac, située dans les montagnes du Tonkpi, en Côte d’Ivoire, Fondatrice de Rituel Café, Lauréate du Prix National d’Excellence du Meilleur Ivoirien de la Diaspora 2024 et depuis le 31 juillet 2025, Dame Maria Dion-GOKAN est faite Chevalier de l’Ordre du mérite commercial et industriel par le Ministère du Commerce et de l’Industrie. Cette ivoirienne intervient sur toute la chaîne de valeur, depuis l’arbre jusqu’à la tasse.

Passionnée par son métier, Dame Dion-GOKAN n’hésite pas à partager son savoir et son expertise partout où l’appel lui est lancé.

Le média www.afriqueeconomie.net l’a rencontré lors de la 1ère édition « Les Ateliers du Cheffe Elo » tenue le 30 juillet 2025 à Yopougon (Abidjan-Côte d’Ivoire) où elle est un Partenaire de l’évènement et mentor de l’initiatrice. Dans cette interview, notre Experte du Café nous parle de son insertion dans ce domaine, son apport dans la promotion du Café ivoirien au niveau national et international et présente sa marque « Rituel Café » qui est une marque éthique, engagée dans une économie solidaire et circulaire.

 

A.E : Présentez-vous à nos lecteurs

Je suis Maria Dion-GOKAN, Caféologue de métier, je suis CEO de « Rituel Café » et je suis Prix national du Meilleur ivoirien de la Diaspora 2024. Egalement Partenaire de l’évènement « Les Ateliers du Cheffe Elo ».

A.E : Comment s’est faite votre insertion dans le domaine que vous avez choisi d’exercer ?

C’est une reconversion. J’ai fait au préalable une école de Commerce, un Master en Audit et Stratégie à l’International. Et puis après j’ai commencé à travailler dans le circuit normal. Mon dernier poste était en tant qu’Approvisionneur-Acheteur. Et j’ai eu envie de me lancer à mon propre compte, parce que cela correspondait plus à ma personnalité. A Paris, je me suis dit qu’il fallait exercer un métier qui allait me rapprocher de mon pays. Donc quand moi j’entends Côte d’Ivoire, j’entends café et cacao. Je me suis dit que le cacao on entend beaucoup parler ; le café pas du tout. Je vais alors aller vers le café. Je ne connaissais rien au café, je ne maîtrisais pas, je ne buvais pas non plus et donc j’ai commencé à aller sur les Salons de café. Ce qui m’a marqué quand je suis allée à ces Salons, plus précisément à Lyon (France), ce que j’ai vu ce n’est pas ce que j’imaginais. Je me suis dit que quand j’allais arriver sur un Salon du café, j’allais voir la Côte d’Ivoire présente ; des producteurs avec leurs cafés. Mais j’avais toute une autre chaîne qui sont en amont, mais vraiment en aval. Je me suis dit que ce n’est pas possible ! Je ne vois pas mon pays ; cela m’a fait un choc. Et c’est là que je découvre que le café c’est une cinquantaine de métiers. Tout un écosystème, toute une chaîne de valeur et malheureusement les premiers acteurs de cette chaîne de valeur sont très peu présents sur les Salons. Ces personnes ne savent pas et là je me suis dit voilà ce que je veux faire. Moi je veux être le porte-voix de ces Producteurs ; mais pour être crédible, il faut que je me forme, j’apprenne déjà à déguster le café. La France c’est un pays de gastronomie, du vin, de l’œnologie, etc. Et la caféologie est née à partir de l’œnologie. Que le café c’est un produit complexe. Donc j’ai commencé à me former en dégustation d’abord ; après des cours de Tree to Bar (tout ce qui va être, etc). Donc ça, c’est un métier, on l’apprend. C’est plusieurs paramètres qu’il faut maîtriser. Après il y a les méthodes douces du café, je me suis formée, ensuite je me suis formée en torréfaction, en café-vert, en analyse sensorielle et dégustative. Je suis allée à l’origine (Ouganda, RDC, Rwanda, Kenya), pour pouvoir prendre sur le terrain et puis sourcer mon café. Au fur à mesure que je trouvais des gens, surtout sur la Côte d’Ivoire, je rencontrais qu’on n’était pas un pays consommateur alors qu’on en produisait. Il fallait travailler le café autrement, il fallait montrer le café, il fallait être présent à tous les évènements où les gens étaient et proposer du café, mais le proposer autrement. Même là en parlant à des Chefs, on se rend compte qu’ils ont une partie de leurs formations, mais cette partie ne rentre pas dans leurs formations. Alors que le café fait partie intégrante du menu ; on doit l’intégrer dans un menu. Et en tant que boisson, comme digestif, mais en tant qu’épice. Voilà, il y a énormément de choses ; donc au fur à mesure que j’avançais, je rencontrais des problématiques, je résolvais ces problématiques. C’est pourquoi j’interviens sur toute la chaîne de valeur, depuis l’arbre jusqu’à la tasse. Je forme les Producteurs, je suis moi-même Productrice, je suis Analyste de qualité, je suis Torréfactrice, je suis Tree to Bar ; je créée des produits innovants dans le café (du café, du miel de fleur de café, des cajous caramélisés, des infusions de café, des confitures de café, du sirop de café, etc). C’est donc par une frustration que je suis arrivée à ce métier.

A.E : On nous dit que la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial de café. Quelle est votre analyse au niveau de la production et de la transformation de ce produit en Côte d’Ivoire ?

La Côte d’Ivoire, elles est déjà située dans une zone qu’on appelle la « coffee Belt ». C’est une zone qui est située entre le tropique du cancer et le tropique du capricorne, autour de l’équateur. Et donc, ce n’est que dans cette zone qu’on produit du café. Et nous on a la chance d’appartenir à cette zone. La France ne fait pas partie, l’Italie ne fait pas partie ; on ne produit pas de café dans ces pays, mais on en consomme ; nous on a cette chance. Ensuite, la Côte d’Ivoire va produire du café ; on a plusieurs espèces végétales dont les deux espèces les plus connues sont l’Arabica le Robusta. L’Arabica c’est à peu près 70% dans le monde consomme et le Robusta c’est 30% de personnes qui consomment. La Côte d’Ivoire produit du Robusta essentiellement et on a créé une espèce végétale qui s’appelle l’Arabusta, qui est un hybride Arabica-Robusta. Donc on produit cela, jusque-là il y a deux ans, on était autour de 100.000 tonnes de café par an et on faisait partie des quatre premiers producteurs africains ; mais on était dans le Top 20 (17ème ou 18ème) du monde. Donc on a régressé en 1958 on était 3ème ; là on a trop régressé. Ce qui s’explique du fait que le prix du café est soumis (Robusta) à la Bourse de Londres. Le Robusta était très bas, le café c’est qu’une seule récolte dans l’année. Du coup les gens se sont tournés dans d’autres spéculations ; ils ont abandonné le café de plus en plus. Ensuite, on n’est pas un pays consommateur, parce qu’à l’origine, il était consommé pour partir dans les pays consommateurs. Et nous, on était autorisés à utiliser les rejets, les déchets du café. On avait donc pas cette culture du café, on était pas formés, on ne connaissait pas, car tout partait à l’étranger. Il fallait mieux que cela soit transformé en Côte d’Ivoire. Maintenant qu’on est formés, le Conseil du Café-Cacao avait formé une série de 10 torréfacteurs car il y a beaucoup qui ont appris sur le tas. On est enregistré, environ une cinquantaine de torréfacteurs enregistrés en Côte d’Ivoire. Moi je précise que je ne me suis pas formée ici en Côte d’Ivoire, mais en France, pays consommateur. Du coup, on apprend petit à petit. C’est-à-dire que le café selon le pays où il est consommé, il doit être adapté à la population, aux habitudes de la population. Donc, il y avait des préjugés sur le café. Les gens se disait que le café c’est mauvais, c’est une drogue. Le café n’est pas une drogue ; le café n’est pas identifié comme une drogue au sein de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par rapport au café. Au contraire le café est bon pour le fonctionnement cognitif, c’est bon pour la santé. Il coche toutes les bonnes cases et l’OMS le recommande qu’on en consomme jusqu’à quatre tasses par jour ; mais il y a des organismes qui peuvent en supporter plus. Donc nous, on consomme de plus en plus de café ; c’est vrai qu’il y a quelques années on était pas à 0,5 kilo par habitant. Maintenant, on est à peu près à 1 kilo par habitant. Donc, la consommation du café a augmenté en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas suffisant, c’est vrai, donc il faut beaucoup de gens qui aillent vers les populations. Quand il y a des ateliers de ce genre (Les Ateliers du Cheffe Elo) et qu’on est Partenaire, qu’il y a des Salons, on est aussi prestataire café ; de montrer aussi que le café peut s’inviter dans le quotidien des gens. C’est pourquoi on parlait avec les Chefs Cuisiniers, qu’ils puissent être nos alliés. Parce qu’après un repas, il faut un café. On va dans des restaurants où on propose de la cuisine ivoirienne par exemple. Mais, à la fin il n’y a pas le café. C’est un café importé qu’on propose au client. On n’arrive pas à faire ces notions de pairing, faut qu’on puisse aller vers eux. Nous ne sommes pas deux caféologues en Côte d’Ivoire, je suis la seule à opérer sur toute cette chaîne de valeur et à travailler de cette façon-là. Il faut qu’on soit nombreux justement pour aller dans tous les secteurs d’activités. Surtout dans l’Hôtellerie, les Café Hôtels Restaurants (CHR), les Bars, pour que le café est sa place. Et puis après dans les Administrations, parce que le café c’est un vecteur de Tourisme aussi. C’est le premier accueil quand on arrive quelque part ; on accueille les gens avec du café. Et donc le café a toute sa place. Et quand les gens découvrent le café, parce qu’il y a des façons de consommer le café. Ils se rendent compte que les préjugés ils avaient n’étaient pas ça. Ils ont tout à gagner. Oui, la consommation du café en Côte d’Ivoire était basse, la production a baissé cette année, mais il y a des périodes de ce genre. Mais je peux vous confirmer que cette année les chiffres sont très bas. Donc, il faut encourager de plus en plus les Producteurs à produire du café ; il faut qu’on consomme le café dans de bonnes conditions, de bonne qualité.

 A.E : Vous avez été décoré par l’Etat de Côte d’Ivoire il y a quelques années. Quel est aujourd’hui votre apport dans l’amélioration de tout cet écosystème du café ?

Je disais que j’étais Prix national d’Excellence du Meilleur ivoirien de la Diaspora en 2024. Cela a été possible car je représente la Côte d’Ivoire à l’étranger pour pouvoir faire la promotion du café ivoirien. J’accompagne les Producteurs aussi, avec les coopératives. Et puis, je fais la promotion du café (Foires, Salons, etc) à l’international. J’initie également des ateliers de dégustation au niveau de la Côte d’Ivoire ; le Made in Côte d’Ivoire. Donc, il y a déjà cet apport. Puis, j’ai souvent des contrats avec certains Ministères. Ce jeudi 31 juillet 2025, j’ai été faite Chevalier de l’Ordre du mérite commercial et industriel par le Ministère du Commerce et de l’Industrie, pour le travail que je fais dans le domaine du café. Je me dis, ce n’est pas peut-être beaucoup, mais c’est quelque chose et puis on continue. Les autorités ivoiriennes reconnaissent le travail que je fais, les autorités me prennent pour Partenaire, les clients, les ivoiriens apprécient de plus en plus ce que je fais, les producteurs me font de plus en plus confiance. Moi je sais qu’il y a des personnes qui me disent qu’ils s’inspirent de moi. Cela n’a l’air de rien, mais une personne, deux personnes, trois personnes, on espère qu’on aura une plus grande visibilité pour que justement il y ait de plus en plus de personnes qui s’intéressent au café ivoirien.

A.E : Présentez-nous votre marque « Rituel Café » ?

« Rituel Café » c’est une marque éthique. Nous sommes engagés dans une économie solidaire et circulaire. C’est en 2019, que je fonde Rituel Café en France, avant d’implanter la branche Afrique en Côte d’Ivoire en 2021. Je produis un café africain et ivoirien de qualité, en respectant l’homme et l’environnement. On est vraiment en mode RSE, on est sur la protection de l’environnement. On prône la qualité. On va acheter le café au prix fort. Aujourd’hui, mon café, je l’achète au prix de 3000 FCFA le Kg pour l’Arabica et un peu moins pour le Robusta. Le gouvernement ivoirien l’a fixé à 1500 FCFA, donc c’est énorme ce que nous faisons. C’est vrai qu’il y a du travail derrière. On me dit que mes produits sont chers, mais ils ne sont pas chères car si l’on évalue tout ce qui est fait jusqu’au produit final, je pense que nos prix sont abordables. « Rituel Café » c’est de faire connaître tout le potentiel de l’arbre caféier. Nous notre travail c’est d’accompagner le producteur et sur toute la chaîne de valeur du café Un travail d’éducation aussi. Nous avons une dizaine de produits.

A.E : Pouvons-nous avoir des chiffres de votre Entreprise, en emplois directs ?

En ce moment, j’ai trois employées permanentes, des filles, qui m’accompagnent tout au long de l’activité de production et lors des Salons, Ateliers que je donne, lors des visites dans les plantations, etc. Là je vais en recruter deux autres. Donc cinq personnes directs et d’autres personnes en collaboration (coopératives), donc j’ai beaucoup de Partenaires. J’ai également mon apiculteur qui fait produire mon miel de fleurs de caféier.

A.E : Quel est votre chiffre d’affaires annuel, la localisation de votre Entreprise et les canaux de distribution de vos produits ?

Nous sommes situés aux II Plateaux, carrefour Macaci, cité les 246 logements (Abidjan-Côte d’Ivoire). Nos contacts sont 225 0585298298. On distribue essentiellement dans nos canaux car il y a un travail d’éducation. Il faut faire découvrir et expliquer. Une fois que cela est connue, cela pourra aller en supermarchés, aller dans un autre circuit. Maintenant en terme de chiffres d’affaires, il y a des mois avec et des mois sans. Si on est sur une année, on est entre 12 et 15 millions de FCFA.

A.E : Quels sont vos Projets à court terme ?

C’est déjà d’augmenter notre capacité de production. C’est d’exporter de plus en plus à l’international (Japon, Suisse, Émirats, etc). Ensuite de former de plus en plus de personnes et d’accompagner les producteurs à aller à la transformation.

A.E : En tant que Partenaire de la 1ère édition « Les Ateliers du Cheffe Elo » organisé le 30 juillet 2025 à Yopougon. Quelles sont vos impressions pour cette initiative de cette jeune ivoirienne ?

C’est une initiative à féliciter et à encourager. J’étais contente d’être Partenaire de cet évènement qui a permis une formation de jeunes ivoiriens dans le domaine de la pâtisserie et de la cuisine. Parce que la cuisine et le café vont de pairs et ça on ne l’a pas compris. Le café accompagne le repas à la fin ; mais le café peut accompagner la cuisine, pendant, en étant un ingrédient principal dans le repas. Le fait d’être présente à cet atelier de formation, c’est de montrer que justement ce ne sont pas deux horizons diamétralement opposés. Au contraire, ils vont très bien ensemble. C’est l’occasion quand nous sommes présents de leur expliquer qu’on peut tout faire avec le café. Le café rentre dans la pâtisserie, dans la cuisine, etc. Je suis très heureuse d’être Partenaire de cet évènement et je trouve que c’est tout à fait positif ; je lui souhaite bonne chance.

A.E : Votre mot de fin

Bonne chance aux « Ateliers du Cheffe Elo », parce qu’elle incite justement à s’intéresser à la cuisine autrement. Et avoir ces partenariats, c’est ouvrir les opportunités et permettre à ces apprenants de se former. C’est un atelier, mais c’est une formation qui est riche. En sortant de cela, ces personnes seront capables de se servir de tout ce qu’elles ont appris. Merci à votre média qui me donne l’occasion de parler de mon Entreprise et surtout de faire la promotion du café ivoirien qui doit s’imposer à l’international.

Interview réalisée par Nadège Koffi

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